Liv Maria Christensen est une jeune fille élevée dans l’amour de parents franco-norvégiens. Elle vit une vie d’insulaire, innocente et protégée. Pourtant, un jour victime d’une agression sexuelle, elle voit...
LireNégo Laurent Combalbert
Par Dominique de Poucques - 09 mars 2021
La sphère du thriller vient d’accueillir un petit nouveau : Laurent Combalbert publie son premier roman dans la collection NOIR de Calmann-Levy. Et c’est une bonne surprise. Roi de la négociation, ancien membre du RAID français, Combalbert est aujourd’hui entrepreneur, conférencier et s’applique à transmettre son talent de négociateur, que ce soit en entreprise, dans le milieu médical ou scolaire. Fondateur entre autres d’une association luttant contre le harcèlement et d’une ONG promouvant une négociation éthique et responsable, l’ancien membre de la police travaille avec conviction à l’éducation des jeunes en les sensibilisant aux notions de confiance, d’agilité et de discernement dans le but de favoriser les relations à l’homme ou à l’environnement.
Son thriller présente des particularités qui le font sortir du lot : il ne s’agit pas d’une enquête, comme on en trouve le plus souvent dans ce genre, mais d’un accord passé entre un négociateur hors pair et une société surpuissante et nébuleuse, concernant le rachat de terrains promis à un projet de protection de la biodiversité. Une autre originalité provient du choix de l’auteur de mettre à plusieurs reprises son lecteur face à la mort, à laquelle il assiste en direct.
Le sujet est d’actualité, les personnages crédibles. L’as de la négociation Stan Monville, sans doute par bien des côtés le double de Combalbert, entraîne le lecteur par sa personnalité forte et attachante. La figure emblématique du Mal prend la forme d’un illuminé égocentré à l’intelligence démoniaque. Tous les ingrédients du genre sont présents, mijotant sur fond d’enjeux mondiaux actuels. L’écriture est précise, habilement modulée par le romancier qui parvient à donner un rythme à la lecture en accentuant le côté saccadé de la phrase dans les moments les plus haletants. Le résultat est passionnant et intrigant : connaissant le passé de l’auteur, on ne peut s’empêcher d’entrer dans le jeu et de s’interroger sur les limites entre le réel et la fiction. Il nous l’assure en interview : tous les personnages de l’histoire existent. Une affirmation qui donne le frisson.
ENTRETIEN
- Vous êtes de toute évidence un homme très occupé. Ceci est votre premier roman mais vous avez publié beaucoup d’ouvrages. C’est assez amusant de voir la diversité de vos publications : on passe de la neutralisation de profils complexes à la gestion du divorce… il y a de la marge. L’illustration que tout peut être affaire de négociation ?
Ce qui caractérise la négociation, c’est le désaccord. Lorsque ce désaccord s’exprime, et résulte en un conflit, la négociation est le seul moyen de créer de la valeur. Donc oui, je crois qu’on peut négocier tout le temps. C’est pour cela que face à un profil difficile, complexe, que ce soit avec nos enfants, nos voisins, nos collaborateurs, on passe notre vie à négocier, parfois sans nous en rendre compte.
- Dans le roman vous mentionnez un cours de négociation dans les écoles pour la gestion du harcèlement. C’est une des choses que vous enseignez réellement ?
Oui, j’ai créé l’association ADN Kids qui forme les enfants dans les écoles. Une autre s’appelle le Don de Confiance, qui leur apprend à être audacieux, à s’affirmer, à imposer leurs vues, toujours dans le respect de l’autre, à ne pas subir la pression de la conformité.
- Pourquoi ce premier roman arrive-t-il aujourd’hui ? Quel est le déclencheur ?
J’avais déjà écrit des livres qui racontaient de vraies histoires de négociation, décryptées afin d’en tirer des enseignements à l’intention de négociateurs, qu’ils soient professionnels ou non. On me disait souvent que ces histoires pourraient constituer un film ou un livre. Quand j’ai écrit la série « Ransom » les scénaristes en ont fait quelque chose de très édulcoré, très américain. J’ai pensé que je l’aurais fait différemment et j’ai gardé ça dans un coin de ma tête. Un jour en rentrant de mission avec mon épouse, on s’est imaginé ce qui se passerait si le type avec qui on venait de négocier en rencontrait un autre qui nous avait donné du fil à retordre quelques semaines plus tôt. C’est comme ça que l’histoire a commencé à germer. Tous les personnages, les bons comme les méchants, existent réellement. Par contre ils ne se sont jamais rencontrés. J’ai bien sûr modifié leurs prénoms, mais pas leur caractère.
- Certains d’entre eux se sont déjà reconnus ?
Oui, l’un d’eux m’a appelé pour me le dire.
- Vous vous doutez que ce qui est fascinant pour le lecteur, c’est d’essayer de déceler la part des choses entre ce qui est réel et a pu vous arriver, et ce qui est romancé. Ça vous amuse ou ça vous ennuie ?
Ça m’amuse, et je laisse le plus souvent planer le doute.
- Du coup il faut que je vous le demande : vous pouvez vraiment tuer un homme avec un morceau de papier plié ?
Je ne l’ai jamais fait, mais je saurais le faire. Vous aussi, d’ailleurs. Je peux vous montrer comment.
- Y a-t-il des choses que vous ne pouvez pas écrire, qu’il vaudrait mieux que le public ne sache pas ?
Il y a bien sûr une question éthique, et je ne pourrais pas parler de certaines opérations sensibles. Je ne donne pas non plus de recette secrète dont les criminels pourraient se servir face à un policier, par exemple. Pour le reste, l’histoire évolue sans cesse au cours de l’écriture, et se retrouve parfois très éloignée de ce qu’on avait en tête au départ. A chaque étape, la limite est assez naturelle.
- Certaines informations sont étonnantes, comme la mention d’une assurance contre le kidnapping. Cela existe-t-il vraiment ?
Oui, ça existe depuis longtemps. Je suis d’ailleurs consultant pour beaucoup des assureurs qui la proposent.
- L’histoire est construite autour du thème de l’effondrement, de la fin d’un système. Les enjeux que vous mentionnez pourraient bien être réels, mais vous nous présentez le personnage de Joshua comme à moitié fou, complètement égocentrique. Une manière de nous laisser une échappatoire, un espoir ?
J’ai été très surpris par ce mouvement des collapsologues. J’ai rencontré certains de ses adeptes. Il en existe toute une palette. Certains pensent qu’il faut commencer à faire de petits gestes pour éviter une catastrophe, d’autres sont plus inquiétants, comme le personnage de Joshua, qui m’a dit : « il faut que le système s’arrête. On ne pourra pas tenir en continuant à puiser dans les ressources. Pour éviter que tout le monde meure, il vaut mieux en sélectionner la moitié. » C’est la théorie de Malthus. C’est aussi l’idée reprise dans le dernier volet du film « Avengers ». C’est complètement fou mais ces gens sont convaincus que c’est la solution. Personnellement je pense qu’il faut une prise de conscience au sujet de l’environnement mais je suis très optimiste : je pense qu’on peut y arriver. Il y a des choses simples à faire ; je vis à la campagne, où je reçois des gens sur le campus voisin pour des formations en présentiel. Cela se fait avec la plus grande autonomie possible, avec des panneaux solaires, un récupérateur d’eau de pluie, etc. Ce n’est pas par peur de l’effondrement mais pour limiter notre impact sur la planète. C’est notre part du Colibri.
- Aujourd’hui vous êtes très impliqué dans la transmission de vos connaissances, de votre talent.
Ça a toujours été un leitmotiv. Je viens d’avoir 50 ans, et mon objectif est d’inspirer et transmettre. J’ai eu la chance de rencontrer beaucoup de gens qui ont joué ce rôle pour moi quand j’étais jeune, je pense que c’est mon tour. J’ai passé 25 ans sur le terrain, à parcourir le monde. Aujourd’hui j’envoie mes équipes pour le faire et je veux passer du temps à transmettre ce que j’ai appris. J’investis beaucoup de temps pour les jeunes, je crois qu’ils sont ceux qui feront la différence, qui consommeront différemment et plus efficacement.
- Une des particularités de votre roman se situe dans certaines scènes de meurtre : vous nous les faites vivre en direct. Le plus souvent dans un thriller l’enquêteur arrive sur la scène du crime pour le constater. Ici on assiste plusieurs fois à la mort d’un personnage. C’est une manière de vous différencier ?
J’ai vécu dans un milieu professionnel où la mort est une hypothèse de travail. Elle fait partie du boulot. Quand on choisit le métier des armes, ce qui était mon cas en entrant dans la police, vous savez que vous pouvez mourir ou tuer pour sauver quelqu’un. Ce n’est pas anodin. Certains de mes collègues sont morts en opération, j’y ai moi-même échappé de justesse plusieurs fois en mission, ça fait partie du jeu, il faut l’accepter, il faut pouvoir la regarder.
- Qu’y a-t-il de vous en Stan Monville ? Si je devais deviner je dirais que vous buvez beaucoup trop de café et que vous aimez les films des frères Dardenne.
Oui, c’est juste. Il me ressemble aussi dans sa manière de vouloir sauver le monde. Pour faire ce métier il faut aimer les gens, y compris ceux qui sont en face de nous et avec lesquels on doit traiter. Vous ne pouvez pas être un bon négociateur si la personne en face de vous sent que vous ne souhaitez pas l’aider, même si c’est un criminel. Il faut pouvoir créer ce lien. Comme Stan, je me lève tôt le matin, et j’ai des tas de tatouages. Mais nous sommes différents sur certains points. Stan accepte une mission que je n’aurais pas prise. Il se fait piéger parce qu’on lui dit qu’il est le meilleur. J’ai un jour été cité par le New York Times comme meilleur négociateur du monde. C’est la pire chose qui puisse vous arriver. Si vous le croyez, votre égo va vous encombrer, et si d’autres le croient, ils vont penser que vous pouvez tout réussir. Or c’est impossible. Pendant un moment j’ai pensé appeler le livre « N’égo », parce qu’il s’agit en fait d’un conflit d’égos.
- Vos années au RAID vous manquent-elles ?
Certaines choses me manquent, comme monter un escalier en pleine nuit et se demander ce qu’on va trouver en haut, l’odeur des équipements, aussi. J’ai une certaine nostalgie. Mais l’adrénaline ne me manque pas, parce que la pression existe encore dans le métier que je fais aujourd’hui, et j’adore ça. Il y a du stress quand on travaille à la gestion de crise.
- La fin du roman laisse entrevoir la possibilité d’une suite ; aura-t-on la chance de retrouver Stan Monville ?
Oui, je suis en train d’y travailler, j’écris en ce moment le chapitre 5. J’ai profité du confinement pour l’entamer. Je savais avant la fin de celui-ci que j’allais faire le deuxième.
DES LIVRES QUI POURRAIENT VOUS PLAIRe...
Le bureau des jardins et des étangs | Didier Decoin
Decoin au sommet de son art pour conter un voyage initiatique d'une rare finesse où la beauté se confronte à la violence.
LireLa mer noire dans les grands lacs | Annie Lulu
Nili est une jeune femme née d’un père congolais et d’une mère roumaine. Enceinte de son premier enfant, assise au bord du lac Kivu, elle lui raconte. Son amour inconditionnel,...
LirePar les soirs bleus d’été | Franck Pavloff
C’est un livre qui s’écoute autant qu’il se lit où la poésie, la peinture, la musique se conjuguent pour convoquer, au tribunal de la modernité, une autre manière de contempler...
LireL’arbre ou la maison | Azouz Begag
L'errance identitaire de deux frères Algériens nés en France, en proie à une guerre intérieure: celle de leurs racines entremêlées.
LireBuveurs de vent | Franck Bouysse
Une vallée, une rivière aux reflets argentés, un barrage surplombé par un viaduc ferroviaire, une centrale électrique. Tel est le décor métallique du roman de Franck Bouysse « Buveurs de...
Lire