Anne Berest part à la recherche de ses propres origines dans ce roman qui remet le lecteur face aux atrocités de la Shoah.
LireSon odeur après la pluie Cédric Sapin-Defour
Par Dominique de Poucques - 23 janvier 2024
Comment ne pas craquer pour cette histoire d’amour entre l’auteur et son chien ? Ubac, magnifique bouvier bernois, arrive un peu par hasard dans la vie de Cédric Sapin-Defour. C’est bien des années plus tard, après la disparition de l’animal que l’homme écrit ce récit. Ce n’est pas seulement un témoignage de ces instants partagés, c’est aussi une très belle réflexion sur la vie. L’écriture, magnifique, mélange aisément les épisodes quotidiens de cette famille atypique formée d’un couple et un chien – puis deux, puis trois – et une analyse existentielle, profonde, poétique à souhait et qui résonne si justement. Petit à petit, la vie s’articule autour d’Ubac et ses congénères. Naturellement, joyeusement, les quadripèdes envahissent l’espace et le temps de ce couple amoureux de nature : « Comme toutes les autonomies, le bonheur suffisant d’être ensemble nous couvre et nous isole. Nous n’habitons le quotidien qu’à moitié, nous vivons quelque part rompus, sans haine des hommes mais en retrait par trop d’une disponibilité aux bêtes. Nous faisons attention, à l’envahissement canin et aux bulles trop épaisses mais c’est une réalité progressive : nous sortons un peu du monde. »
Jamais la narration ne devient banale, alors même que l’écrivain relate les différentes étapes – pourtant ordinaires – de la vie de son compagnon à quatre pattes. Toujours, il les lie à une poignante réflexion, comme lorsqu’Ubac entre dans sa vie : « Nous allons apprendre à nous connaitre, à construire un langage intermédiaire. Il manquera la parole mais il y aura mieux. Il y aura les regards, les bruits infimes, les courbures du corps, le sens du poil, ces signaux discrets, perçus de nous seuls et offrant à des êtres si différents de dialoguer. Ubac, qui sait, m’apprendra les phéromones. On touchera alors l’altérité, pas ce grand mot brandi pour faire joli mais dont on sait que l’ambition déguisée est de nous conforter au mieux dans la divine opinion que l’on a de soi-même ; non, l’altérité vraie, celle d’êtres si dissemblables que rien de soi n’est un recours pour déchiffrer l’autre et percer qui il est. » Peu après, c’est sa compagne, Mathilde, qui vient former avec eux un trio inséparable : « Et si nous faisons Mathilde et moi un bout de chemin jusqu’à l’infini, alors quelqu’un d’autre que moi se souviendra et saura dire au monde quel chien était Ubac. Comme témoin, je ne vois qu’elle. »
Le récit émouvra plus d’un lecteur aux larmes, alors qu’arrive l’inévitable mort d’Ubac. Pourtant, en plein processus de deuil, l’auteur parvient à trouver ces mots prometteurs de consolation : « Je les fuyais du regard, je serai de nouveau capable de les repérer partout […]. Les chiens. Pour ce qu’on aime, on développe une acuité de rapace. Je l’avais rangée, j’en referai usage. Je flairerai leur présence, nos regards s’attraperont, je saurai faire ou reporter, leur parler ou me taire, tendre la main ou me fléchir. Comme un sens réconcilié. Et ceux de ces inconnus cherchant l’étreinte, je ne leur dirai pas non, ils n’ont après tout rien fait de mal. Je les toucherai pour deux, peut-être l’un d’entre eux sera-t-il porteur d’une missive. »
Quiconque ayant partagé la vie d’un chien se retrouvera dans ce récit tendre et vibrant. Les autres pourront apprécier un bel objet de littérature à l’écriture riche et adroite.
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